#Littérature

Michel de Montaigne

Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu’accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité, par le moyen de laquelle nos âmes s’entretiennent. En l’amitié de quoi je parle, elles se mêlent et confondent l’une en l’autre, d’un mélange si universel qu’elles effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer, qu’en répondant : “Parce que c’était lui, parce que c’était moi.”

Olympe de Gouges

Homme, es-tu capable d’être juste ? C’est une femme qui t’en fait la question ; tu ne lui ôteras pas du moins ce droit. Dis-moi ? Qui t’a donné le souverain empire d’opprimer mon sexe ? Ta force ? Tes talents ? Observe le créateur dans sa sagesse ; parcours la nature dans toute sa grandeur, dont tu sembles vouloir te rapprocher, et donne-moi, si tu l’oses, l’exemple de cet empire tyrannique.

Jules Verne

Le 26 novembre, il y eut une grande marée, et l’eau s’échappa avec violence par le trou à feu ; l’épaisse couche de glace fut comme ébranlée par le soulèvement de la mer, et des craquements sinistres annoncèrent la lutte sous-marine ; heureusement le navire tint ferme dans son lit, et ses chaînes seules travaillèrent avec bruit ; d’ailleurs, en prévision de l’événement, Hatteras les avait fait assujettir.

Les jours suivants furent encore plus froids ; le ciel se couvrit d’un brouillard pénétrant ; le vent enlevait la neige amoncelée ; il devenait difficile de voir si ces tourbillons prenaient naissance dans le ciel ou sur les ice-fields ; c’était une confusion inexprimable.

Gérard de Nerval

Le rêve est une seconde vie. Je n’ai pu percer sans frémir ces portes d’ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible. Les premiers instants du sommeil sont l’image de la mort ; un engourdissement nébuleux saisit notre pensée, et nous ne pouvons déterminer l’instant précis où le moi, sous une autre forme, continue l’œuvre de l’existence. C’est un souterrain vague qui s’éclaire peu à peu, et où se dégagent de l’ombre et de la nuit les pâles figures gravement immobiles qui habitent le séjour des limbes. Puis le tableau se forme, une clarté nouvelle illumine et fait jouer ces apparitions bizarres : — le monde des Esprits s’ouvre pour nous.

Victor Hugo

Condamné à mort !

Voilà cinq semaines que j’habite avec cette pensée, toujours seul avec elle, toujours glacé de sa présence, toujours courbé sous son poids !

Autrefois, car il me semble qu’il y a plutôt des années que des semaines, j’étais un homme comme un autre homme. Chaque jour, chaque heure, chaque minute avait son idée. Mon esprit, jeune et riche, était plein de fantaisies. Il s’amusait à me les dérouler les unes après les autres, sans ordre et sans fin, brodant d’inépuisables arabesques cette rude et mince étoffe de la vie.

Hector Malot

Ceux-là seuls qui ont vécu à la campagne avec les paysans savent ce qu’il y a de détresses et de douleurs dans ces trois mots: “vendre la vache.”

Pour le naturaliste, la vache est un animal ruminant ; pour le promeneur, c’est une bête qui fait bien dans le paysage lorsqu’elle lève au-dessus des herbes son mufle noir humide de rosée ; pour l’enfant des villes, c’est la source du café au lait et du fromage à la crème ; mais pour le paysan, c’est bien plus et bien mieux encore. Si pauvre qu’il puisse être et si nombreuse que soit sa famille, il est assuré de ne pas souffrir de la faim tant qu’il a une vache dans son étable. Avec une longe ou même avec une simple hart nouée autour des cornes, un enfant promène la vache le long des chemins herbus, là où la pâture n’appartient à personne, et le soir la famille entière a du beurre dans sa soupe et du lait pour mouiller ses pommes de terre ; le père, la mère, les enfants, les grands comme les petits, tout le monde vit de la vache.

Prosper Mérimée

Je suis né, dit-il, à Elizondo, dans la vallée de Baztan. Je m’appelle don José Lizarrabengoa, et vous connaissez assez l’Espagne, Monsieur, pour que mon nom vous dise aussitôt que je suis Basque et vieux chrétien. Si je prends le don, c’est que j’en ai le droit, et, si j’étais à Elizondo, je vous montrerais ma généalogie sur un parchemin. On voulait que je fusse d’église, et l’on me fit étudier, mais je ne profitais guère. J’aimais trop à jouer à la paume, c’est ce qui m’a perdu. Quand nous jouons à la paume, nous autres Navarrais, nous oublions tout. Un jour que j’avais gagné, un gars de l’Alava me chercha querelle ; nous prîmes nos maquilas, et j’eus encore l’avantage ; mais cela m’obligea de quitter le pays. Je rencontrai des dragons, et je m’engageai dans le régiment d’Almanza cavalerie. Les gens de nos montagnes apprennent vite le métier militaire.

Stendhal

En approchant de son usine, le père Sorel appela Julien de sa voix de stentor ; personne ne répondit. Il ne vit que ses fils aînés, espèce de géants qui, armés de lourdes haches, équarrissaient les troncs de sapin, qu’ils allaient porter à la scie. Tout occupés à suivre exactement la marque noire tracée sur la pièce de bois, chaque coup de leur hache en séparait des copeaux énormes. Ils n’entendirent pas la voix de leur père. Celui-ci se dirigea vers le hangar ; en y entrant, il chercha vainement Julien à la place qu’il aurait dû occuper, à côté de la scie. Il l’aperçut à cinq ou six pieds plus haut, à cheval sur l’une des pièces de la toiture. Au lieu de surveiller attentivement l’action de tout le mécanisme, Julien lisait. Rien n’était plus antipathique au vieux Sorel ; il eût peut-être pardonné à Julien sa taille mince, peu propre aux travaux de force, et si différente de celle de ses aînés ; mais cette manie de lecture lui était odieuse, il ne savait pas lire lui-même.

Jean Racine

PHÈDRE
De l’amour j’ai toutes les fureurs.

ŒNONE
Pour qui ?

PHÈDRE
Tu vas ouïr le comble des horreurs.
J’aime… À ce nom fatal, je tremble, je frissonne.
J’aime…

ŒNONE
Qui ?

PHÈDRE
Tu connais ce fils de l’Amazone,
Ce prince si longtemps par moi-même opprimé ?

ŒNONE
Hippolyte ? Grands Dieux !

PHÈDRE
C’est toi qui l’as nommé !

Leçon 1 : Soyez lucide

Soyez lucide : l’entreprise n’est pas une communauté de gentlemen dont le but premier est le bonheur de ses membres. Bien souvent, l’entreprise n’est que le reflet de la société avec tout son panel représentatif de caractères : les gentils, les affables, les polis, les timides, mais aussi les caractériels, les tordus, les
égoïstes et tous les autres comportements déplaisants qui influent sur notre moral et sur notre niveau de stress. Par ailleurs, le contexte économique mondial rend encore plus féroce la compétition entre les entreprises, ce qui accentue la pression et les comportements exigeants.

On comprend pourquoi le conflit est inhérent à la vie de l’entreprise. Y être confronté est normal et, pour peu qu’il reste contenu dans des limites acceptables, c’est même bénéfique…mais pas toujours simple à supporter. Cette Série ni aucune autre théorie ou méthode n’y changeront rien. Les courtisans, les intrigues et les comportements inacceptables existaient à la cour du Roi Louis XIV et existeront toujours. Dans certains cas, ce sera même vous qui serez considéré par vos pairs comme l’affreux loup de service (oui, injustement, bien sûr, ne refermez pas ce livre tout de suite !). En revanche, savoir à quoi s’attendre, connaître les comportements et les techniques possibles de manipulation, vous permettra d’être mieux préparé. Car l’inconnu fait peur et déstabilise. Il vaut donc mieux être lucide et savoir à quoi s’attendre.