Leçon 10 : Le problème vient toujours des -autres

« Livre I – fable 7 »

La besace

Qu’il est difficile de reconnaître ses faiblesses et ses erreurs ! À plus forte raison, pour un courtisan s’il doit faire ce « mea culpa » en public. Beaucoup n’y arrivent pas et rejettent la responsabilité de leurs mauvais résultats sur les autres. Il y a sans doute un côté calculateur à se défausser ainsi, mais la plupart du temps, ce comportement est spontané et involontaire. Il n’est pas dans notre culture de se flageller et de s’autocritiquer.
Par ailleurs, l’exercice est très difficile : comment se rendre compte de nos tics de langage, que certaines de nos intonations peuvent paraître vexatoires ou de nos petites manies agaçantes ? Il est bien rare qu’un regard extérieur bienveillant nous pointe systématiquement toutes ces maladresses quotidiennes pour nous faire progresser.

À l’opposé, chacun est en position de juger ses collègues. La critique est facilitée par l’ego du courtisan ou sa capacité à trouver un intérêt tactique à cette critique. Vous voulez lire une excellente étude psychosociale sur la difficulté de l’autocritique et les conflits qu’engendrent les attaques personnelles abusives ? Lisez Achille Talon la bande dessinée de l’auteur belge Greg. Vous y découvrirez Hilarion Lefuneste, navrant « voisin-par-la-force-des choses » d’Achille Talon, qui passe son temps à le critiquer, sans trop se remette en cause…
Dans un registre finalement similaire, La Fontaine met en scène dans « la besace » des animaux invités à suggérer à Jupiter, leur créateur, des améliorations les concernant. Curieusement, aucun ne se plaint de sa condition, mais tous critiquent un autre animal. L’ours s’étonne de la taille des oreilles de l’éléphant, ce dernier trouve la baleine trop grosse et la fourmi juge l’acarien bien petit. « Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes : on se voit d’un autre œil qu’on ne voit son prochain » conclut l’auteur.

Dans une autre fable « Le cerf se voyant dans l’eau », un cerf critique ses pattes, bien trop frêles et loue ses bois – fort majestueux. Des chasseurs arrivent et voilà notre cerf qui s’enfuit à toute allure à travers la forêt. Ses pattes l’entraînent fort vite mais malheureusement ses bois se prennent aux branches et ralentissent sa fuite. Qui n’a pas, à l’instar du cerf de la fable, mal cerné ses points forts et ses faiblesses ? Vu la sensibilité de chacun, son niveau de confiance en soi et sa vanité, cela explique bien des incompréhensions lors des entretiens d’évaluation avec son chef…

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